Retour sur le premier cyclodébat : partage de la rue, comment gérer les conflits entre les différents types d’usage ?

22 août 2025

Cyclo débat cocyclette

En mars a eu lieu le premier Cyclodébat organisé par Cocyclette et nous revenons sur cette riche discussion qui a eu lieu entre les adhérent·es de l’association sur la thématique : “partage de la rue entre les différent·es usagèr·es, comment gérer les conflits ?”.

Les Cyclodébats Cocyclette, c’est quoi ?

L’idée des Cyclodébat a émergée suite à la mort de Paul Varry et la secousse que ce meurtre a provoquée dans le monde du vélo – parisien comme national. Les circonstances de ce décès ont naturellement généré de nombreux questionnements, débats, sur les relations entre les usagers de la route, sur la place du cyclisme en ville, sur la gestion des conflits de manière plus générale. L’envie était forte de pouvoir en discuter de vive voix.

Les Cyclodébats de l’association Cocyclette proposent de créer un espace et un temps d’échange autour d’une thématique définie à l’avance liée à la culture vélo. Un moment de partage, d’apprentissage mutuel, d’écoute et d’éventuels débats, pour décortiquer des sujets ensemble. Ils sont pour le moment réservés aux adhérent·es de l’association.

Cyclo débat cocyclette

La mort de Paul Varry et les questions qu’elle pose 

La mort de Paul Varry choque par son intensité, par la froide décision de tuer un cycliste parce qu’il ose hausser le ton contre un comportement qui le met en danger. Si elle a pris tant écho chez les cyclistes, c’est qu’elle rappelle des interactions musclées, des violences que nous avons vécues et qu’elle éveille des peurs bien ancrées : celle d’être tué·e/blessé·e par une voiture, intentionnellement ou non !

Cet événement soulève de multiples questions que nous avons tenté d’aborder ensemble. Elle traite de partage et de cohabitation, mais aussi de relations de pouvoir et de légitimité de la violence. Les citations en italique sont des extraits du débat que nous avons eu, qui illustrent les propos développés dans le texte.

plaque hommage Paul Varry

Le 9 Juillet 2025, la mairie de Paris a rendu hommage au militant du vélo qu’était Paul Varry en baptisant, première nationale, une piste cyclable à son nom !

Un premier constat : le rapport de force démesuré entre Cyclistes et automobilistes

Un premier partage d’expérience nous a permis de constater que nous avions toutes et tous déjà vécu des moments de tension plus ou moins exacerbés à vélo à Paris : automobiliste qui double à toute vitesse en nous frôlant presque, engueulade avec une personne qui ouvre sa portière sans vérifier la présence de cyclistes sur la bande cyclable, tentatives musclées de signaler une infraction commise qui gêne notre pratique cycliste (comme l’expérience d’altis play, le youtubeur vélo, qu’il montre dans cette vidéo).

En essayant de décortiquer les causes de ces altercations, reviennent bien souvent les infractions au code de la route côté automobilistes, comme côté cyclistes. Certains aménagements et configurations de la voirie peu clairs, avec des croisements entre voies pour les véhicules motorisés et vélos peuvent créer des conflits d’usages. Mais le risque réside aussi et surtout dans l’oubli du rapport de force existant entre automobilistes et cyclistes :

« Je ne suis pas la même personne quand je suis en voiture, je me sens plus protégée. Je peux m’énerver contre des piétons, des vélos »

« Le partage de la route entre les vélos et les voitures j’y crois pas du tout, y’a trop de différences de puissance, de poids, de volume. Il faut séparer les voies »

La différence de poids et de puissance est telle que les automobilistes ont le pouvoir de tuer (intentionnellement ou par inadvertance) et cela est source de peur à vélo. Oublier ce simple fait en tant que conducteur·trice, c’est mettre directement en danger les autres usager·es de la route. De même, en tant que cycliste, nous avons le devoir de protéger les personnes plus vulnérables que nous : les piétons, personnes en situation de handicap, enfants et personnes aînées.

Graphique dangerosité vulnérabilité

Le rapport à la violence, une question genrée ?

Que faire, alors, quand un automobiliste a un comportement dangereux ? Les stratégies individuelles sont variées : quand certain·es mettent un point d’honneur à alerter d’une manière ou d’une autre la personne en question, d’autres n’osent pas communiquer, par peur du conflit. Nous constatons également une différence genrée des réactions possibles. Force est de constater que les réactions des hommes sont souvent plus virulentes et agressives que celles des femmes et autres personnes sexisées. 

« Il existe une différence genrée entre conducteur et conductrice. Il y a plus d’agressivité d’un côté et cela peut faire peur ! »

Dans ce contexte, voici en vrac quelques modes opératoires assez simples que nous nous sommes partagés, en cas d’altercation avec un·e autre usager·e de la route. A chacun·e d’estimer la stratégie qu’il ou elle souhaite adopter en fonction de la situation :

rester calme et expliquer son point de vue : “quand une personne a un comportement que j’estime dangereux, j’essaie de venir à son niveau pour expliquer calmement mon point de vue. Lui partager qu’il ou elle m’a fait peur et pourquoi. Si je ne m’énerve pas, généralement les gens sont plutôt surpris qu’énervés, et cela permet de se partager nos points de vue.”

la fuite : “Souvent je ne me sens pas d’aller parler à un automobiliste énervé, alors j’essaie de rester calme et je continue mon chemin. Il est aussi important de garder en tête que c’est possible de partir si on ne se sent pas d’agir !”

s’énerver : “Je suis quelqu’un.e qui m’énerve difficilement. Les conflits sur la route sont mes moyens de m’entraîner à réagir, à exprimer ma colère ! C’est important pour moi de réussir à me défendre et me faire entendre, et cela me sera utile en dehors des situations liées au vélo”.

Illustration voiture vs vélo

Extrait de “Contre-écrou, fanzine vélorutionnaire” numéro 7

L’empathie, au coeur des questions de vivre-ensemble

De manière consensuelle, il était d’avis général que l’une des clefs de la résolution des conflits entre usagèr·es est l’empathie, de se mettre à la place de l’autre.

« Si y’avait de la pratique, y’aurait de la compréhension » « Comme je suis cycliste, je comprends leur position quand je suis dans ma voiture »

« Regarder l’automobiliste dans les yeux, ça permet de vérifier qu’on nous a vu, qu’on existe »

« Tout ça c’est une histoire d’empathie et de se mettre à la place des autres »

Et cela vaut aussi pour les cyclistes, de toujours avoir en tête qu’un·e automobiliste ne nous a pas forcément vu, que des angles morts existent sur tous les véhicules, qu’il est aussi de notre devoir de respecter le code de la route. Rouler pour plus de convivialité, c’est aussi être sympa et s’arrêter pour laisser passer les piétons !

« Ça me fait plaisir de faire plaisir et de voir la tête d’un piéton étonné que je m’arrête »

Le rôle d’une association comme Cocyclette

Alors quel peut être le rôle d’une association comme Cocyclette dans tout ça ? Pour nous, cela consiste en : 

  • informer sur le code de la route cycliste : faire connaître le code de la route cycliste, c’est permettre à tout le monde de pouvoir circuler sans danger et de réduire les tensions 
  • Faire connaître le point de vue des cyclistes : rappeler le rapport de force qui existe entre les différents usagèr·es et la vulnérabilité des piétons et des cyclistes
  • Promouvoir la convivialité à vélo : faire du vélo en groupe permet de créer du lien et de la convivialité
  • Faire connaître les usages des cyclistes et les bonnes pratiques pour des aménagements plus adaptés

« J’étais dans une réunion d’une mairie où les gens découvrent que c’est possible de se doubler à vélo et que les voies sont par conséquent trop étroites »

Vous voulez participer au prochain cyclodébat et/ou œuvrer à nos côtés, rejoignez l’association en adhérant !