Retour sur le deuxième Cyclodébat : toutes et tous égaux à vélo ? Parlons Cycloféminisme !

14 novembre 2025

En Septembre, les adhérent·es de l’association se sont retrouvé·es pour le deuxième Cyclodébat de l’année sur la thématique “toutes et tous égaux à vélo ? Parlons Cycloféminisme !”. Nous avons commencé par se partager des statistiques sur la répartition genrée des cyclistes. Ainsi 35% des cyclistes du quotidien en France sont des femmes, et seulement 10% dans le monde du cyclisme sportif. Les femmes représentent seulement 13% des cyclistes tués à vélo. Après ces statistiques nous avons fait un rappel historique sur les avancées féministes dans le domaine, puis nous avons commencé à discuter et échanger nos points de vues à propos des inégalités qui subsistent aujourd’hui.

Jeannie Longo
Jeannie Longo défend le cyclisme sportif féminin contre Marc Madiot dans l’émission “à chacun son tour en 1987”, Archive Ina

Le cyclisme, c’était pas mieux avant

Premier constat : l’émancipation des femmes en matière de mobilité date presque d’hier et nous avons commencé par discuter des expériences de nos mères, de nos grands-mères. En effet, il y a peu de temps encore, les femmes étaient moins autonomes dans leurs déplacements qu’aujourd’hui, souvent assujetties et dépendantes de leur mari ou de leur père. 

“Avant les femmes, même si elles avaient le permis, ne conduisaient pas. Cette place n’était pas contestée. C’est la même chose pour le vélo, on apprenait plus aux garçons qu’aux filles à faire du vélo.”

“Quand on était jeune, les filles n’avaient pas de vitesses sur leur vélo, on nous disait : »vous n’allez pas comprendre ».“

Si cette inégalité était fortement présente dans la pratique du vélo au quotidien pour ses déplacements, elle était encore plus forte dans le sport, où le cyclisme était (et dans une certaine mesure, est toujours) vu comme un sport “masculin”. Aujourd’hui les femmes ne représentent que 10% des licencié·es et le rôle de la fédération est fort pour changer l’image de ce sport et favoriser la pratique féminine.

“Une copine qui a fait une première sortie en club : ça roulait trop vite directement, il n’y avait pas d’effort pour l’inclure dans le groupe et adapter la vitesse.”

Des clichés sexistes qui ont la vie dure

Affiches vélos féministes
Affiches féministes, source : le wiklou.org

Le monde du vélo regorge de clichés sexistes bien ancrés dans la vision plus masculine de la pratique. On les retrouve en magasin, où parfois on oppose encore les vélos de femmes, aux vélos d’hommes (comprendre vélos de ville versus vélos de route ou cadre fermé/cadre ouvert). La même distinction peut se retrouver dans les selles hommes (plus fines) / femmes (plus larges et molletonnées), alors que tout comme les cadres, les différents besoins sont plutôt liés aux types de pratique, à la position sur le vélo, qu’à des critères liés au genre.

“Cadre femme cadre homme : non un cadre fermé un cadre ouvert. Dans le changement des mentalités, si on ne prend pas le temps de leur dire non, ce n’est pas la bonne expression, on avancera pas !” 

De même, la pensée demeure bien ancrée qu’une femme ne serait pas capable de réparer son vélo elle-même et qu’elle sera moins compétente en mécanique qu’un homme. 

“Quand je travaillais à l’atelier chez decath, il y avait des remarques souvent « ah mais y’a des femmes qui savent monter des vélos ?! ».

Les témoignages se multiplient également dans les ateliers d’auto-réparation (associations avec lesquelles on apprend à réparer son vélo soi-même), où les femmes peinent à faire leur place du côté des sachant·es.

“J’expliquais des choses à quelqu’un, et un bénévole homme prend ma place sans aucune gêne. Ou la personne avec laquelle je suis ne me croit pas et va poser la même question à un autre bénévole homme.”

Vélo et harcèlement de rue 

Pour certaines, le vélo est un moyen d’échapper au harcèlement de rue, car il permet d’aller plus vite, de moins laisser de temps de subir des remarques.

Pour moi le vélo ça me permet d’avoir moins peur du harcèlement en ville. Depuis que je fais du vélo, j’ai moins d’altercations avec les hommes.

Cependant, ce n’est pas une solution miracle et on constate toujours des comportements pas très appropriés de la part de certains et des agressions physiques.

“Je fais du vélo en jupe et des fois il y a quand même des regards, des remarques. J’ai quand même vécu une agression sexuelle à vélo : une personne m’a tapé sur les fesses dans une côte.”

Parmi nous, plusieurs femmes ont également témoigné de la sensation, que l’on se permet plus de juger leurs choix, leurs comportements, quand elles sont à vélo.

  “Les gens se sentent plus de nous faire des remarques : on va trop lentement, on va trop vite et c’est trop dangereux de mettre un enfant sur un vélo, alors qu’on ne dit rien aux pères qui transportent leurs fils sur une trottinette.”

Deux participantes de la Remise En Selle à Noisy-le-sec.

Le vélo comme moyen d’émancipation

Au-delà de l’objectif d’échapper au harcèlement de rue, le vélo est un moyen d’émancipation plus général pour les femmes : être plus autonome dans ses déplacements, cette sensation de liberté qu’on ressent en roulant, être libre de choisir son itinéraire et la route qu’on préfère. Etre une femme à vélo c’est sortir du conditionnement de la société qui leur répète qu’elles sont moins fortes, moins téméraires, moins habiles. 

Aujourd’hui, les formats d’apprentissage du vélo (vélo-école comme remise en selle) concernent principalement les femmes. Aux sessions de remise en selle de Cocyclette 75% des personnes qui participent sont des femmes et les hommes ont souvent le rôle d’accompagnateur (ils considèrent ne pas avoir besoin des conseils prodigués mais sont là pour soutenir leur conjointe). Cette plus grande proportion de femmes peut s’expliquer à la fois car elles ont plus besoin de s’entraîner car ont moins pratiqué au cours de leur vie, mais aussi car elles sont plus en capacité d’identifier qu’elles ont besoin de s’exercer. Parfois l’arrivée d’un enfant rend la pratique du vélo plus compliquée, à la fois car avoir un enfant sur son vélo demande plus d’énergie (ou plus d’argent pour acheter un vélo électrique), mais aussi car la peur de se mettre soi-même ou son enfant en danger est plus forte.

“Aux personnes qui ont peur à vélo, je leur dis que le vélo n’est pas dangereux, il comporte des risques, qu’il s’agit de comprendre et d’appréhender”.

Comment en tant qu’association peut-on développer une mobilité inclusive ?

Comme la dernière fois, on a fini par se demander quel pouvait être le rôle d’une association vélo comme Cocyclette dans la réduction des inégalités hommes/femmes et le développement d’une mobilité plus inclusive.

Dans un premier temps, il nous a semblé important de conserver des formats pédagogiques comme la remise en selle pour permettre à celles qui en ont envie de se mettre ou se remettre au vélo dans de bonnes conditions. Des formats en mixité choisie pourraient être aussi imaginés pour permettre aux femmes de pédaler entre elles, pour se redonner confiance.

Au sein de notre association, nous avons discuté de la nécessité de prendre du recul et d’avoir des moments de discussion pour repérer des points d’amélioration, notamment sur la répartition des tâches importantes (membres du bureau, rôles pendant les animations etc…). En outre, lors des jeux de piste, il est courant qu’un homme prenne la tête et guide le groupe. Il est peut-être de notre ressort d’impulser une rotation des personnes qui sont en responsabilité, notamment dans ce cadre.

Enfin, à titre individuel et collectif, il nous paraît important de rappeler qu’il est primordial de réagir aux comportements sexistes qui nous paraissent inappropriés ou dangereux, en laissant la personne qui en est victime d’abord réagir elle-même, mais en allant la soutenir si le besoin s’en fait sentir.

Vous voulez participer au prochain cyclodébat et/ou œuvrer à nos côtés, rejoignez l’association en adhérant !